Kung Fu – Cinema Galeries

Kung Fu

    Introduction

    Chaque fois que Wong Kar-wai réalise un film d’arts martiaux, cela demande des ressources considérables et un temps de production prolongé. Les délais de tournage s’étendent sur près de deux ans pour Les Centre du Temps, et pour The Grandmaster, il a fallu presque dix ans pour que la planification soit achevée.

    À l’image de la phrase emblématique de The Grandmaster : « Ne jamais perdre la foi, garder la flamme allumée », Wong Kar-wai n’a jamais renoncé à son rêve de cinéma d’arts martiaux.

    Introduction

    Chaque fois que Wong Kar-wai réalise un film d’arts martiaux, cela demande des ressources considérables et un temps de production prolongé. Les délais de tournage s’étendent sur près de deux ans pour Les Centre du Temps, et pour The Grandmaster, il a fallu presque dix ans pour que la planification soit achevée.

    À l’image de la phrase emblématique de The Grandmaster : « Ne jamais perdre la foi, garder la flamme allumée », Wong Kar-wai n’a jamais renoncé à son rêve de cinéma d’arts martiaux.

    Il est évident que Wong Kar-wai a été fortement influencé par les romans d’arts martiaux d’auteurs célèbres comme Jin Yong ( 金庸 ) et Gu Long ( 古龍 ). Cependant, même si ses films regorgent de scènes de combats spectaculaires, leur importance dépasse largement le simple aspect physique. Ces scènes de combat portent en elles une signification culturelle plus profonde et plus pure, intimement liée à la tradition chinoise.

    Dans ses films, Wong Kar-wai intègre fréquemment des citations d’anciens poèmes chinois, dont la traduction dans d’autres langues s’avère souvent difficile, tant il est ardu d’en préserver la beauté et la subtilité originelle. Par exemple, la phrase « Ne jamais perdre la foi », en chinois, se traduit par « Si tu ne l’oublies pas, elle te reviendra » ( 念念不忘,必有迴響 ). Ce proverbe, qui combine deux idiomes (成語, chengyu), exprime de manière concise que lorsqu’on reste profondément attaché à une personne ou à une idée et que l’on ne l’abandonne jamais, une réponse finira par arriver.

    Ce message est non seulement au cœur de The Grandmaster, mais il reflète également l’obsession de Wong Kar-wai pour le cinéma d’arts martiaux, qui transcende le simple divertissement pour explorer des dimensions spirituelles et intemporelles.

    Gong Er dans The Grandmaster : Que la vie serait ennuyeuse sans regrets

    人生無悔該多無趣

    En tant que femme de son époque, Gong Er était soumise à de nombreuses contraintes : elle ne pouvait pas hériter du titre de son père, car dans la culture chinoise traditionnelle, les femmes devenaient la responsabilité de leur mari après le mariage. Pourtant, la force de Gong Er réside dans sa détermination et dans la tristesse qu’elle éprouve face à la nécessité d’abandonner tant de choses pour restaurer la dignité de sa famille.

    Après la mort de son père et la trahison de Ma San (un élève de son père), elle choisit de renoncer à son mariage et de suivre la Voie. En chinois, «suivre la Voie» (Feng Dao) signifie ne pas se marier, ne pas avoir d’enfants et ne jamais transmettre son kung-fu, jusqu’à la fin de ses jours. À cette époque, dans le monde des arts martiaux du Nord-Est de la Chine, choisir cette voie demandait une conviction inébranlable et conférait un grand respect, mais le prix à payer était immense.

    Le choix de Gong Er de s’engager sur cette voie signifiait renoncer à tout avenir. Pour elle, ce choix représentait une forme de «mort» : désormais, elle ne peut que suivre ce chemin, il n’y a pas de retour en arrière possible (從此我只有眼前路,沒有身後身). Gong Er, une femme au cœur noble, se bat seule contre le monde, en quête de vengeance et de rédemption. Tout au long du film, Gong Er apparaît comme la plus pure et la plus forte. Mais en dépit de ses compétences en arts martiaux, elle est incapable de transmettre l’héritage martial de sa famille à cause de son engagement envers la Voie. Même si tous autour d’elle la pressent de partager son savoir, elle reste fidèle à son choix jusqu’à sa mort, seule. Gong Er, nostalgique tout au long du film, demeure enfermée dans les contraintes de son époque.

    La fin de The Grandmaster se situe au terme des années cinquante, et avec la trilogie des années soixante forment une boucle fermée. The Grandmaster n’échappe pas aux règles de l’univers de Wong Kar-wai, où le temps est un thème récurrent. Gong Er reste figée dans le passé, dans ces années qui lui appartiennent. Alors que les trilogies des années 1960 et 1990 offrent des représentations modernes et postmodernes de Hong Kong, The Grandmaster remonte encore plus loin, aux origines de Hong Kong, aux racines de son histoire, revisitant le monde des arts martiaux et une époque révolue.

    L’harmonie poétique des titres 

    成語

    L’importance de la littérature chinoise dans les titres des films de Wong Kar-wai est une composante essentielle de son univers artistique. Chacun de ses films porte un titre chinois composé de quatre caractères, une structure profondément ancrée dans la tradition littéraire et poétique chinoise. 

    Cette forme concise, appelée : chengyu  (成語), est issue de la sagesse millénaire des classiques chinois et incarne des notions d’harmonie, de symétrie, et de profondeur symbolique. Ce choix témoigne non seulement de l’attachement de Wong Kar-wai à son héritage culturel, mais aussi de son désir d’inscrire ses œuvres dans une continuité esthétique où chaque élément, du titre à l’image, est porteur de sens.

    La structure des titres de ses films ne se limite pas à une simple convention formelle, mais reflète une philosophie de création imprégnée de cette quête d’équilibre. Le recours à des expressions en quatre caractères établit un lien direct avec la poésie et la prose classique chinoise, où chaque mot est choisi avec précision pour évoquer des significations multiples. Cette économie de langage, propre à la culture littéraire chinoise, s’harmonise avec l’esthétique visuelle de Wong Kar-wai, où chaque plan, chaque geste et chaque silence peut évoquer des émotions complexes et subtiles.

    Ainsi, les titres de ses films, tout en étant des portes d’entrée vers les thèmes qu’il aborde, participent à cette symbiose entre tradition et modernité qui définit l’univers du réalisateur. Dans In the Mood for Love (Faa Yeung Nin Wa, 花樣年華), les quatre caractères évoquent à la fois l’épanouissement d’une beauté éphémère et la nostalgie du temps passé, une thématique centrale du film. De même, Happy Together (Chun gwong cha sit, 春光乍洩), qui peut se traduire par «L’éclat soudain du printemps», évoque à la fois la fugacité des relations et l’intensité des émotions au coeur du film.

    L’esthétique de Wong Kar-wai ne se limite donc pas à la seule dimension audiovisuelle, elle imprègne chaque facette de son travail, du choix des titres à la construction narrative. Le soin qu’il apporte à la symétrie et à l’harmonie de ses titres en chinois enrichit l’expérience cinématographique, rappelant constamment au spectateur que son œuvre s’inscrit dans une tradition littéraire et culturelle chinoise, tout en réinventant cette tradition dans un cadre contemporain. Les titres ne sont ainsi pas de simples marques de fabrique, mais des condensés poétiques qui reflètent la richesse thématique et émotionnelle de ses films, et révèlent une sensibilité unique où chaque élément porte une résonance culturelle profonde.