Le Suricate – Par Thibault Grégoire – 21.06.2016
Rétrospective / Exposition / Performance Apichatpong Weerasethakul
Du 12 avril au 29 mai 2016
Kunstenfestivalarts et Cinéma Galeries, Galerie de la Reine 26 – 1000 Bruxelles
Alors que les représentations de sa performance Fever Pitch ont lieu du 21 au 25 mai au KVS, Apichatpong Weerasethakul était ce mercredi 18 mai au cinéma Galeries, dans le cadre de la rétrospective qui lui est consacrée. Le cinéaste/vidéaste thaïlandais a donné une masterclass très éclairante sur son œuvre, avant une projection de courts métrages, la troisième d’une série de quatre.
Masterclass
Pour parler de ses films, Apichatpong Weerasethakul avait choisi de passer par des images, des photos de ses lieux de vie et d’enfance, indissociables de son œuvre. Cette manière d’associer d’emblée sa vie à son travail par un biais visuel donnait à la fois une vraie singularité à cette masterclass et s’inscrivait pleinement dans la démarche artistique de l’auteur. Son interlocuteur Jean-Pierre Rhem (critique français et délégué général du Festival International de cinéma de Marseille) jouait dès lors un rôle d’intermédiaire entre la salle et Weerasethakul, interrompant celui-ci de temps à autre afin qu’il développe plus en profondeur quelques concepts où qu’il apporte quelques explications supplémentaires quant à des réalités politiques et sociales de la Thaïlande.
L’explication de certains faits politiques, de certaines lois en vigueur en Thaïlande – notamment concernant la monarchie – apporte ainsi un éclairage nouveau sur certains films du cinéaste. Un des exemples les plus édifiants étant le changement de titre de son dernier long métrage – de Cemetery of Kings à Cemetery of Splendour, pour cause d’interdiction d’évoquer la mort des rois. La dimension politique cachée de l’œuvre de Weerasethakul, bien évidemment déjà décelable, n’apparaît que plus fondamentale après cette masterclass.
Parmi ses grands thèmes, Apichatpong Weerasethakul s’est plus particulièrement attardé sur l’omniprésence de la maladie et des hôpitaux dans ses films, ainsi que sur sa manière « naturelle » de les aborder. Ayant pratiquement grandi dans un environnement hospitalier, avec des parents médecins, il a notamment confié que la maladie ne lui apparaissait pas comme un élément grave ou perturbateur, mais comme un état des choses. Enfin, il a évoqué son rapport au rêve en comparant le statut du rêveur à celui du spectateur de cinéma. En opposant l’interactivité du rêve à la passivité du dispositif cinématographique, il a mis en lumière ce qui tend toute son œuvre, cette volonté de brouiller les pistes entre installation et cinéma, entre expérimentation et narration.
Courts métrages
Parmi les neuf courts métrages qui étaient projetés mercredi, on peut pointer M Hotel, que Weerasethakul considère comme le film jumeau de son moyen métrage Mekong Hotel et qui utilise la fenêtre d’une chambre d’hôtel comme vecteur indiscutable de cinéma. Mentionnons égalementVampire, dans lequel il part à la recherche d’un animal mythique et en voie d’extinction dans la jungle, et qui fait immanquablement penser à son chef d’œuvre, Tropical Malady. Enfin, la séance se terminait par A Letter to Uncle Boonmee qui, plus qu’une version courte de son film palmé à Cannes (Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures), est un préambule à celui-ci, le remettant dans un contexte biographique et documentaire, tout en esquissant déjà quelques idées du long métrage.