Théo Metais – Cineman: Critique
Oskar vit dans une famille d’accueil. Il rêve d’un voyage en Afrique pour dépasser les conflits avec son père d’accueil. Or, rien ne se passera comme prévu.
Avec le court-métrage Elder Jackson, le jeune réalisateur suisse Robin Erard nous avait déjà transportés dans des lieux mystérieux peuplés de personnages ambivalents. Avec son premier long, Fauves, le surréalisme « made in Switzerland » de son cinéma atteint des sommets.
Bien soutenu par un casting surprenant, qui réunit Jonathan Zaccaï (Miséricorde, Elève libre) et le jeune espoir français Zacharie Chasseriaud (Les Géants), Robin Erard prend le public à contrepied avec un récit cruel et mystérieux où la violence, les fantômes et fantasmes et l’ingénuité règnent en souverains. Fauves nous montre que la liberté peut prendre différentes formes et que le prix à payer pour l’obtenir est souvent élevé. Oskar, orphelin depuis tout petit, à présent adolescent rebelle, vit avec Elvis et Fanny Eggard, ses gardiens légaux. Il voudrait s’enfuir, loin de tout et de tous, pour aller au Zimbabwé, où il a passé les premières années de sa vie avec ses parents. Cependant, il faut beaucoup d’argent pour réaliser son rêve et économiser suffisamment n’est pas chose facile – sans compter qu’Elvis l’oblige à travailler dur pour obtenir son diplôme, bien qu’il soit de moins en moins motivé. Les rapports de force entre ces deux personnages vont progressivement céder le pas à une violence aveugle aux conséquences difficiles à prévoir. Le monde d’Oskar va être bouleversé et sa soif de liberté va se transformer en fuite nécessaire, pour survivre. Mais que va devenir Elvis, désormais seul ? La folie va-t-elle l’entraîner dans le gouffre, et l’obliger à montrer son vrai visage ?
Fauves est un film déstabilisant, du point de vue de son évolution narrative et de la psychologie de ses personnages, mais il n’est pas facile, au premier abord, de se laisser happer par ses atmosphères fascinantes et irréelles à la fois. C’est précisément cette dose peut-être excessive d’”irrationnalisme” qui tient le spectateur à distance, du moins dans un premier temps. Qu’est-ce qui pousse Oskar à commettre l’irréparable ? Pourquoi introduire dans le récit, de manière aussi soudaine et inattendue, le motif de l’homicide ? Ces questions, entre autres, car il y en a d’autres, agitent tant l’esprit du spectateur qu’on a du mal à jouir pleinement de l’esthétique puissante du film, qui rappelle par moments l’élégance formelle des premiers Dario Argento. C’est très probablement vers le giallo, avec ses codes esthétiques rigoureux et ses atmosphères glaciales, qu’il faut se retourner pour apprécier vraiment Fauves. Comme dans le cas de films cultes du genre, comme Suspiria et Profondo rosso, mais aussi de chefs-d’oeuvres plus connus, par exemple La Maison aux fenêtres qui rient et Nero veneziano, la narration est parfois incompréhensible, avec des hoquets volontaires. Peu importe que les réactions des personnages soient excessives jusqu’au baroque, car ce qui compte, c’est l’intensité des scènes, la beauté formelle des cadrages et l’envoûtante perversion des personnages. Tout cela, on le retrouve dans le film d’Erard, à l’état embryonnaire certes, mais ces éléments sont déjà bel et bien présents.
Maintenant en salles.