« Have a nice day » : un polar animé chinois très critique du pouvoir central – Cinema Galeries

« Have a nice day » : un polar animé chinois très critique du pouvoir central

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    LES INROCKUPTIBLES | 23Par Vincent Ostria

    Pop art et dérision se conjuguent dans ce dessin animé chinois façon polar trash qui satirise avec acuité le monde post-industriel

    En Chine du Sud, le chauffeur d’un mafieux est poursuivi par des tueurs pour avoir dérobé un magot grâce auquel il espère financer l’intervention chirurgicale de sa petite amie. Le deuxième long métrage d’animation de Liu Jian, que celui-ci a écrit, produit et réalisé quasiment seul, témoigne de la montée en puissance d’un cinéma DIY, dû à des individus solitaires disposant de moyens réduits. Ceci étant facilité naturellement par la démocratisation de techniques numériques sophistiquées. Mais c’est aussi un plus, car ce film, trash et loufoque, est complètement ancré dans le réel grâce à l’utilisation pour les décors de photographies redessinées. Sur le plan moral et social, c’est aussi un instantané de la réalité, une vision basique et critique de la société chinoise industrielle dans laquelle le profit aveugle a remplacé le credo révolutionnaire d’antan. D’où la quasi interchangeabilité des personnages et l’inexorabilité de l’engrenage dans lequel est pris Xiao Zhang, un loser qui veut simplement permettre à sa copine de se refaire la façade après une opération ratée, et se trouve pris dans un inextricable faisceau de convoitises.

    Glauque et fun à la fois

    Voir les nombreux quiproquos autour d’une chambre d’hôtel où convergent, et s’entretuent ou presque, plusieurs individus, ou bien un cybercafé glauque qui est un des autres pôles du récit. D’ailleurs, glauque est l’adjectif ad hoc pour définir ce film noir ligne claire, dont l’arrière-plan est un glacis industriel évoquant une version dénaturée de l’Amérique ordinaire. D’où l’inévitable tonalité Pop Art – mâtinée du style du mouvement Bazooka des eighties – de cette fresque trash/punk, dont l’une des caractéristiques est le sens du dérisoire, et l’autre une cruauté indifférente, ou bien une indifférence cruelle. Le mélange de trivialité, de distance et de violence explique qu’on ait comparé par facilité Have a nice day à l’œuvre de Tarantino. Mais celle-ci est beaucoup plus baroque (italienne ?) que cette chronique brute de la vie de quelques pantins frénétiques mus par des pulsions matérialistes. Plus inattendu, et hélas moins développé étant le volet fantastique du récit, qui s’affirme à travers un personnage secondaire doué de pouvoirs surnaturels. Le polar qui est indéniablement une des forces du nouveau cinéma chinois, ne brille habituellement pas par sa fantaisie ni par son humour. On espère donc que Liu Jian fera des émules. Y compris dans le cinéma d’animation adulte, si faiblard ces dernières années. A suivre…​

    Sortie le 27.06

    https://www.facebook.com/cinema.galeries/videos/1605508416213074/