Charles de Clerck – Cinecure: La part sauvage
Pour son premier long métrage, le réalisateur Guérin van de Vorst nous offre un petit bijou avec des acteurs, tous excellents, sur des thèmes qui pourraient être facilement « casse-gueule ». C’est que Vincent Rottiers habite de façon tendre, émouvante et dure ce rôle d’un jeune qui sort de prison et qui s’y est converti à l’Islam. L’on devine déjà toutes les surenchères possibles. Cette conversion, les amitiés qui se nouent en prison, la difficulté de (re)prendre place dans la société active sont un des fils conducteurs du film, mais, plus encore, ce long-métrage (finalement pas si long que cela, environ 1h20, dans la version que la presse a découverte, alors que Cinébel signale 1h40 !) est avant tout en quête de paternité, ou une conquête de paternité.
Entre la lecture proposée ou plutôt imposée par ses nouveaux « amis » musulmans (ou du moins certains d’entre eux), sa propre lecture et celle que ne veut pas son ex-compagne, il y a une possible relation à créer avec son fils. Un itinéraire se construit avec ses impasses, des déviations pour cet homme sans repères et dont le seul repaire est un minuscule studio dont celui qui est en vis-à-vis est occupé par Lucie. Celle-ci va bousculer sa vie, envahissant celle de Ben au risque du trop-plein. Elle apparaitra parfois agaçante tant pour Ben que pour le spectateur ; c’est que sa personnalité et son mode de vie viennent bousculer les règles qui doivent être désormais celles de ce nouveau converti, mais plus encore, celles de la courtoisie attendue de la part de gens qui se fréquentent sans se connaître. A tel point que Ben pourrait mal interpréter son envahissement comme une demande de plus parce qu’affinités. C’est Salomé Richard qui joue ce rôle de Lucie, dont on ne sait jamais sur quel pied elle amènera Ben à danser. Est-elle naïve, agaçante, amoureuse, inconsciente, amusante, joueuse. Probablement tout cela à la fois, jusqu’à nous faire partager et appréhender les sentiments de Ben, mais aussi ceux qu’elle veut avoir avec Sam, le fils de Ben.
Il faut enfin mettre en exergue le jeu de ce jeune acteur, Simon Caudry. Les spectateurs l’avaient découvert dans le rôle de Maxime pour les frères Dardenne (Deux jours, une nuit, 2014), mais également en télévision dans la série Unité 42 (Robin Leroy). Simon Caudry (11/12 ans environ) a une présence extraordinaire à l’écran dans le rôle de cet enfant, pas encore adolescent, qui découvre un père qu’il n’a plus vu depuis trois ans et qu’il croyait parti en voyage en Australie. Les silences, paroles et gestes de cet acteur enfant traduisent bien le désir et les difficultés de se trouver un père, de le découvrir, de l’aimer. Juste pendant et pendant très juste de l’acteur accompli qu’est Vincent Rottiers, Simon Caudry illumine la part sauvage de Ben, celle du film. Arrivera-t-il à donner sens à la vie de Ben qui voudrait partir avec lui en Syrie pour accomplir le destin que ses frères musulmans lui proposent ? Entre l’urgence d’un sens à donner à son existence selon ses nouveaux amis qui lui disent son droit d’être père et les droits qu’il à sur son fils ou les droits de celui-ci d’avoir un père qui ne le possède pas, quel choix sera celui que fera Ben ?
Actuellement en salle.