Chloé consulte un psychiatre, Paul, pour ses maux de ventre. Les symptômes disparaissent à mesure que leur amour grandit, et quelques mois plus tard le couple emménage ensemble. Mais la jeune femme s’aperçoit que son compagnon lui cache des choses. Un jour, elle croise son sosie : un psychiatre également, jumeau diabolique de celui qui partage sa vie. Est-elle victime d’un complot ? Ou juste une épouse fragile qui s’ennuie et se met à délirer ?
Il ne s’est pas écoulé neuf mois depuis la sortie de Frantz, son mélo un peu tiède, qu’Ozon revient déjà avec une revigorante variation sur un genre absent de sa filmographie : un thriller fantastique sur le thème du double. Il le fait à la De Palma, c’est-à-dire avec un goût postmoderne de la citation, qui fait de L’Amant double un mille-feuille cinéphilique concocté par quelqu’un qui aime les films de Cronenberg (Faux-semblants…), Hitchcock, Polanski et Lynch. Il y a chez Ozon cette dimension de disciple génial, qui digère très vite le travail des maîtres – parfois trop – pour arriver à un collage un peu superficiel (par manque de temps) mais bourré de visions brillantes et fantastiques.
Adapté d’un roman de Joyce Carol Oates (L’Amour en double), le film nous plonge dans une enquête mentale où l’on perd assez vite pied. Filmée en trompe l’œil, la réalité est approchée comme une surface mouvante qui se dérobe sans cesse, une succession de reflets, miroirs et faux décors produisant un trouble, à l’image des œuvres que surveille Chloé au Palais de Tokyo – parois poreuses ouvrant sur un imaginaire d’artiste – ou des reflets dans leur appartement en haut d’une tour, offrant une vue vertigineuse sur la ville.
Le couple formé par Marine Vacth et Jérémie Renier est une décharge sensuelle dans cet univers froid et incertain. L’intensité des désirs qui circulent entre ces trois corps – les deux Jérémie et Marine –, le fantasme homosexuel et trioliste, la violence psychique, la libération des instincts et la mort de tout surmoi composent la cartographie des désirs les plus secrets et inavouables d’une jeune femme.
Quatre ans après Jeune et jolie, où elle jouait une prostituée dénuée d’affects, l’intrigante Marine Vacth nous aspire dans ses obsessions. Elle qui n’était que surface, froideur, opacité, libère ici son intériorité, jusqu’au vertige. L’actrice campe dans cette deuxième collaboration avec François Ozon son propre double : l’envers brutal et angoissé d’une jeune comédienne débutante. Et une interprète aux mille visages en dépit de sa rareté.
L’Amant double de François Ozon (Fr.,2017, 1 h 47)