par Stefan Dobroiu – – Centré sur une affaire policière, le film revient aussi sur les évènements qui ont mené au Printemps Arabe – pour Cineuropa
Le Caire confidentiel : un thriller policier pertinent et captivant
Date de sortie: 26.07
Le Grand Prix du Festival international du film policier de Beaune (lire l’article) a été attribué à Le Caire confidentiel [+], qui a remporté le Grand Prix du Jury (World Cinema – Dramatic) du Festival Sundance. Le film, une coproduction entre la Suède, le Danemark, l’Allemagne et le Maroc, est bien parti pour devenir le favori des festivals, de la critique et du public. Le long-métrage de Tarik Saleh est un thriller sombre et captivant qui se déroule au Caire durant la période qui a mené au Printemps Arabe. Le réalisateur a eu recours à des tropes classiques du genre afin de créer un portrait symbolique d’un pays bouleversé.
L’inspecteur est plus intéressant que le cas sur lequel il travaille, comme c’est souvent le cas dans un thriller où la frontière entre le bien et le mal est si vague qu’elle en devient une zone à part entière : l’acteur suédois d’origine libanaise Fares Fares interprète Noredin, un inspecteur de police corrompu dont la carrière s’annonce brillante, et qui n’est pas précisément animé par le devoir de faire respecter la loi, mais bien par le désir de devenir riche. Appelé au Nile Hilton où le corps d’une magnifique jeune femme vient d’être découvert, Noredin n’hésite pas à empocher l’argent trouvé sur la scène de crime. Cependant, l’identité de la victime, ses liens avec l’élite du Caire ainsi que d’autres incidents plus personnels pousseront Noredin à prendre des décisions et à se découvrir.
Le Caire confidentiel utilise des tropes classiques du genre : nous retrouvons l’inspecteur endurci, le patron corrompu, la belle jeune femme brutalement assassinée, l’homme riche et le proxénète qui fait du chantage. Il y a même un témoin, une femme de chambre qui a vu (à l’instar des spectateurs) deux hommes entrer dans la chambre de la victime. La quantité d’éléments aussi familiers sabote parfois la tentative de Saleh d’être imprévisible, mais le réalisateur est parvenu à créer une tension et une ambiance qui font du Caire Confidentiel, une expérience cinématographique très efficace.
Le Caire confidentiel, et notamment l’interprétation passionnante de Fares, n’est pas seulement un thriller convaincant : c’est aussi un commentaire pertinent sur la société égyptienne. Sans jamais être explicite, le film parle du pouvoir : comment l’obtenir, comment le conserver et comment en abuser pour son propre profit. Les choix de Noredin dans ce contexte transforment le protagoniste en une représentation de l’Égyptien moyen, sans cesse tenté par l’argent facile et démoralisé par l’impuissance que le respect de la loi impose. Au milieu de la révolte contre le régime de Moubarak, Noredin se trouve dans la position idéale : il possède un certain pouvoir, mais est loin d’être aussi puissant que l’élite inaccessible, ce qui lui permet de prendre les bonnes décisions et d’observer une société profondément corrompue.
Filmé avec grande maîtrise par Pierre Aïm, le thriller impose un rythme éprouvant créé par le montage courroucé de Theis Schmidt. Les bâtiments décrépits, les ruelles bondées et poussiéreuses, les lumières aveuglantes et les sons perçants enveloppent Le Caire confidentiel d’une couverture presque dystopique. C’est l’endroit idéal pour découvrir comment un meurtre aussi brutal peut se transformer en un simple ‘’incident’’, la raison pour laquelle la vie a si peu de sens, mais aussi pourquoi la loi peut être piétinée par ceux qui doivent précisément la faire respecter. Sans jamais trahir son approche, le film de Saleh fait preuve d’ambitions politiques pertinentes, un mélange auquel le public ne résistera pas.
Produit par la société suédoise Atmo avec les Norvégiens de Final Cut for Real et les Allemands d’Ostlicht Filmproduktion, Le Caire confidentiel est vendu à l’étranger par The Match Factory.
