Le fils de Joseph, la grâce de l’épure
Introduction
Le Suricate Magazine- 29.06.2016 – par Thibaut Grégoire. C’est peu dire que les acteurs sont essentiels dans les films d’Eugène Green, lequel demande d’eux à la fois une épure complète des intonations et de la diction – retour à la beauté des liaisons étranges de la langue française – et une pureté de jeu qui demande une maîtrise du corps inouïe.
Introduction
Le Suricate Magazine- 29.06.2016 – par Thibaut Grégoire. C’est peu dire que les acteurs sont essentiels dans les films d’Eugène Green, lequel demande d’eux à la fois une épure complète des intonations et de la diction – retour à la beauté des liaisons étranges de la langue française – et une pureté de jeu qui demande une maîtrise du corps inouïe.
Le Suricate Magazine – Par Thibaut Grégoire – 19.07.2016
Le fils de Joseph, la grâce de l’épure de Eugène Green
Drame
Avec Victor Ezenfis, Natacha Régnier, Fabrizio Rongione, Mathieu Amalric, Maria de Medeiros
Sorti le 20 juillet 2016
Adolescent en quête de père, Vincent découvre l’identité de son géniteur à l’insu de sa mère, qui a toujours refusé de lui révéler qui il était. Empli d’un désir de vengeance envers cet homme qui n’a jamais voulu le connaître, Vincent débarque dans les bureaux de celui-ci, éditeur parisien, afin de le faire souffrir comme il a souffert. Alors qu’il finit par renoncer à la vengeance, il rencontre Joseph, le frère de son père, avec lequel il va tisser une relation d’amitié inspirante.
De son précédent film – La Sapienza, beau drame existentiel sur la redécouverte du monde – Eugène Green garde un acteur, Fabrizio Rongione, en qui il semble avoir trouvé le vecteur idéal pour exprimer la grâce qui traverse les tenants et les aboutissants de son cinéma. Dans le rôle de Joseph, il incarne un rôle opposé à celui qu’il tenait dans La Sapienza : celui du révélateur – plutôt que du révélé.
Et c’est peu dire que les acteurs sont essentiels dans les films d’Eugène Green, lequel demande d’eux à la fois une épure complète des intonations et de la diction – retour à la beauté des liaisons étranges de la langue française – et une pureté de jeu qui demande une maîtrise du corps inouïe. Il est en cela proche et éloigné du cinéma de Robert Bresson – avec lequel on le compare plus que de raison – car le « marquage » anti-naturaliste et presque dénué d’inflexions s’accompagne d’un travail sur les visages et les gestes que l’on voit mal confié à des comédiens non-professionnels.
Cette forme de grâce qu’il tente d’instiller dans le jeu de comédiens déstabilisés, hors de leur zone de confort, Eugene Green en fait la pierre angulaire de son film, dans son propos et sa structure. En le découpant en chapitres chacun nommé d’après un épisode de la Bible, il donne à son récit une dimension « mythique » qui assied les différentes strates narratives et les relations entre les personnages dans une base civilisationnelle très forte.
Cet ancrage mythologique et sacré trouve encore son écho dans la manière dont va s’établir la relation entre Vincent et Joseph – une filiation évidente mais non basée sur le sang – et leur manière d’arpenter des lieux de culte et de culture pour y recevoir un enseignement à la fois ancestral et instinctif. Mais Eugène Green joue également avec son matériau et son spectateur en opposant à ces scènes de communion païenne un pendant de comédie satirique sur le milieu de l’édition.
Et là encore, la médiation se fait par le biais des acteurs. Face aux trois acteurs « posés », aux personnages touchés par la grâce – Vincent (Victor Ezenfis), sa mère (Natacha Régnier) et Joseph (Fabrizio Rongione) – Eugène Green place un Mathieu Amalric et une Maria de Medeiros en caricatures désarticulées d’éditeur cynique et de critique littéraire dépassée, assurant une partie comique qui, ainsi accolée à la grâce et au sacré, prend des allures surréalistes.
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