Dans son nouveau documentaire, le cinéaste Bruno Tracq lève le voile sur l’hypnose chirurgicale.
Adrien Corbeel (RTBF)
Nous sommes dans une salle d’opération, à l’hôpital Saint-Luc de Bruxelles. Tout le monde s’y affaire de manière prévisible : bistouri, gaze et autres outils chirurgicaux passent de mains en mains parmi le personnel médical, pendant que la patiente reste allongée, inconsciente de ce que son corps est en train de vivre. La seule anomalie à ce tableau vu 100 fois au cinéma et à la télévision, c’est l’anesthésiste, qui susurre d’une voix apaisante des mots évocateurs à l’oreille de la patiente pour l’endormir. Le procédé peut sembler saugrenu pour les non-initiés — digne d’un tour de magie —, mais il a fait ses preuves, comme le démontre le documentaire “Ma voix t’accompagnera”.
Pendant plus de deux ans, le réalisateur Bruno Tracq a filmé Fabienne Roelants et Christine Watremez, deux spécialistes de l’hypnose chirurgicale renommées mondialement. Des discussions préliminaires jusqu’au réveil, leurs actes témoignent d’une pratique bienveillante de la médecine, qui place l’écoute au centre de leur travail. Pour pouvoir mettre leurs patients en état d’hypnose pendant une opération, les deux anesthésistes se doivent en effet de donner une place importante à leur ressenti, et plus particulièrement à ce qui les apaise.
Face à un tel sujet, le risque pour n’importe quel documentaire est de devenir un reportage explicatif et illustratif. Bruno Tracq évite de justesse cette dynamique grâce à certains choix très cinématographiques. Celui par exemple du format allongé de l’image – en 2,39:1 — plus souvent utilisé par les productions hollywoodiennes que par le cinéma documentaire. Le réalisateur est aussi un adepte du plan-séquence. Accompagnant avec sa caméra les anesthésistes à travers les couloirs de l’hôpital, il les filme avec une certaine urgence — inévitable dans leur métier, aussi ancré dans la relaxation soit-il.
Le cinéaste a également fait le choix de représenter visuellement et auditivement l’hypnose. Par quelques effets spéciaux bien placés, le film suggère à l’écran les voyages imaginaires dans lesquels les anesthésistes plongent leurs patients. Des images de déserts, de mers, de montagnes prennent de plus en plus possession de l’écran au fur et à mesure que le film progresse. Le procédé est audacieux, mais l’onirisme qui s’en dégage manque parfois de puissance. Ces représentations ne sont pas très éloignées de celles qu’on retrouve souvent sur les fonds d’écrans d’ordinateurs. Elles permettent néanmoins, et c’est tout l’intérêt du documentaire, de nous donner une idée assez juste de ce qu’est l’hypnose chirurgicale : une pratique apaisante de l’anesthésie qui vise le confort du patient avant tout.