La linéarité de la version distribuée au cinéma fait logiquement perdre cet aspect particulièrement excitant de collage vivant à une oeuvre qui n’en reste pas moins remarquable. Pour la performance de caméléon puissamment habitée d’une Cate Blanchett sublime. Aussi pour la force souvent intacte de textes respirant une jeunesse rageuse (nombreuses pensées d’artistes à l’aube de leur carrière, regroupés ou pas), et lançant à l’ordre établi, au réel formaté, une salve de défis dont les résonances restent d’une actualité troublante.
Si le sujet s’avère grave et douloureux, l’interprétation du couple Rebbot/Masiero, catapulté cette fois au premier rang, contrebalance de leur humour teinté d’une bonne note d’humanisme l’injustice de situations ubuesques. Capables d’une sobriété dont ils n’avaient jusqu’à présent que rarement fait preuve, ils évitent à leurs personnages l’écueil du misérabilisme, préférant les faire briller de mille facettes attachantes. La famille qu’il forme avec la jeune valeur montante du cinéma français (Kacy Mottet-Klein impeccable dans le rôle de Vincent, leur fils) ne souffre d’aucune faiblesse d’authenticité. Quant à Mohamed Amine Hamzaoui (Foued), il vient d’annoncer qu’il mettait fin à sa carrière de rappeur. Nul doute qu’après cette excellente prestation, le cinéma saura lui ouvrir les bras à la mesure de son talent.
Au delà du message politique qu’il délivre, ce Vent du Nord apporte un souffle d’émotion et d’espoir basé sur l’échange des valeurs et la libre circulation des personnes.