Manifesto, remarquable – Cinema Galeries

Manifesto, remarquable

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    Focus Vif |

    À voir pour la performance de caméléon puissamment habitée d’une Cate Blanchett sublime.
    Fascinant projet que celui de Julian Rosefeldt, artiste munichois de 53 ans dont les installations vidéo ont fait la renommée internationale. Son idée de départ: filmer en treize segments distincts et complémentaires une Cate Blanchett chaque fois transformée en personnages différents et qui déclame le texte de treize manifestes artistiques majeurs. Le dadaïste, le futuriste, le surréaliste, celui de Fluxus et du Dogme 95 sont entre autres de la partie, admirablement cadrés dans des décors bien choisis et surtout électrisés par une actrice au sommet de son art. Avant de paraître dans les salles de cinéma sous forme de long métrage, Manifesto fut présenté dans une installation superbe, inaugurée à l’Australian Centre for the Moving Image puis déplacée vers Berlin (Hamburger Bahnhof) et New York (Park Avenue Armory). On pouvait y voir et y écouter les treize segments projetés simultanément, dans un espace où les sons et les mots se chevauchaient parfois, offrant au visiteur-spectateur une expérience unique selon l’endroit où le menaient ses pas.

    La linéarité de la version distribuée au cinéma fait logiquement perdre cet aspect particulièrement excitant de collage vivant à une oeuvre qui n’en reste pas moins remarquable. Pour la performance de caméléon puissamment habitée d’une Cate Blanchett sublime. Aussi pour la force souvent intacte de textes respirant une jeunesse rageuse (nombreuses pensées d’artistes à l’aube de leur carrière, regroupés ou pas), et lançant à l’ordre établi, au réel formaté, une salve de défis dont les résonances restent d’une actualité troublante.

    Si le sujet s’avère grave et douloureux, l’interprétation du couple Rebbot/Masiero, catapulté cette fois au premier rang, contrebalance de leur humour teinté d’une bonne note d’humanisme l’injustice de situations ubuesques. Capables d’une sobriété dont ils n’avaient jusqu’à présent que rarement fait preuve, ils évitent à leurs personnages l’écueil du misérabilisme, préférant les faire briller de mille facettes attachantes. La famille qu’il forme avec la jeune valeur montante du cinéma français (Kacy Mottet-Klein impeccable dans le rôle de Vincent, leur fils) ne souffre d’aucune faiblesse d’authenticité. Quant à Mohamed Amine Hamzaoui (Foued), il vient d’annoncer qu’il mettait fin à sa carrière de rappeur. Nul doute qu’après cette excellente prestation, le cinéma saura lui ouvrir les bras à la mesure de son talent.
    Au delà du message politique qu’il délivre, ce Vent du Nord apporte un souffle d’émotion et d’espoir basé sur l’échange des valeurs et la libre circulation des personnes.

    Sortie : 18.07