PAJAROS DE VERANO : SOMPTUEUX POLAR TRIBAL AUX ORIGINES DES CARTELS COLOMBIENS – Cinema Galeries

PAJAROS DE VERANO : SOMPTUEUX POLAR TRIBAL AUX ORIGINES DES CARTELS COLOMBIENS

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    CÉLINE ROUDEN – La Croix – 10/04/2019

    PAJAROS DE VERANO : SOMPTUEUX POLAR TRIBAL AUX ORIGINES DES CARTELS COLOMBIENS

    Dans les années 1970, deux clans s’affrontent au sein des Indiens wayuus pour contrôler le trafic de drogue naissant avec les États-Unis. Entre tragédie grecque et film de gangsters, les réalisateurs mêlent avec virtuosité les codes du film de genre pour revenir aux origines d’une « tragédie nationale ».

    Près d’un an après sa présentation en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, le film des Colombiens Cristina Gallego et Ciro Guerra sort enfin en France, non sans avoir récolté quelques prix au passage – dont le prix spécial police au Festival international du film policier de Beaune décerné le week-end dernier.

    Impressionnant de maîtrise, ce « polar » tribal se situant aux confins de plusieurs genres cinématographiques avait pourtant de quoi décontenancer. Il démarre comme une exploration quasi ethnographique des mœurs et coutumes des Indiens wayuus, peuple amérindien vivant à l’extrême nord de la Colombie, pour se transformer au fil du récit en film noir dans la plus pure tradition du film de gangsters hollywoodien.

    Ce parti pris original a été choisi par les réalisateurs pour raconter une histoire peu ou pas connue, celle de l’origine des cartels de la drogue en Colombie dans les années 1970-1980 avec son lot de violence et de règlements de comptes, et la déployer à la dimension du mythe afin de revenir aux sources de ce qu’ils considèrent comme la tragédie de leur pays.

    « Pour moi c’est un film noir, un film de gangsters. Mais il peut aussi être à la fois un western, une tragédie grecque et un conte de Gabriel Garcia Marquez. D’une certaine façon, les genres sont devenus les archétypes mythiques de notre temps » [Ciro Guerra]

    Prospérité et décadence

    Cette épopée, chapitrée en « chants », commence donc dans le désert de la Guajira où Rapayet, modeste négociant de café, se rend dans un village de puissants bergers wayuus pour demander la main de la belle Zaida au cours d’une cérémonie rituelle d’une beauté à couper le souffle. Mais pour preuve de sa fidélité « à la famille et au clan », il est imposé à ce prétendant qui fraye avec les étrangers de réunir une dot, bien supérieure à ses moyens, constituée de chèvres, de bœufs et de colliers précieux. Entendant parler par hasard de jeunes Américains à la recherche de marijuana – des membres des corps de la Paix venus prêcher l’anticommunisme –, il entrevoit la possibilité de réunir l’argent nécessaire.

    « Rapa » va peu à peu s’imposer comme l’intermédiaire incontournable entre les « gringos » et les Indiens d’un clan rival qui cultivent la marimbera dans les montagnes, se transformant en une sorte de parrain local. C’est le temps de la prospérité pour tous, les grosses Land Rover remplacent les ânes, les maisons en dur singeant le luxe américain sont érigées au milieu du désert, les armes font leur apparition, et la tribu, dirigée d’une main de maître par la belle-mère Ursula, néglige les mauvais augures annoncés par les oiseaux de passage. Ceux-ci se matérialisent lorsque Leon, le fils de Rapa, oublieux des traditions, contrevient au code d’honneur des Wayuus et déclenche une terrible spirale de vengeance.

    Aux sources des maux de la Colombie

    En superposant avec brio les ressorts du film de genre à la culture amérindienne avec son rythme, sa culture, ses croyances et ses rituels magiques, Cristina Gallego et Ciro Guerra, brillants représentants d’un cinéma colombien en plein essor, réussissent une véritable performance. Ils parviennent, deux heures durant, à tenir le spectateur en haleine tout en remontant aux sources de tous les maux de leur pays : colonialisme, perte d’identité des populations indigènes, violence, et pouvoir corrupteur de l’argent.

    « C’est une métaphore de notre paysune tragédie familiale qui devient aussi une tragédie nationale. En parlant du passé, elle nous permet de mieux comprendre où nous en sommes aujourd’hui en tant que pays. » [Cristina Gallego]

    Comme ils l’avaient fait dans leur précédent long métrage L’Étreinte du serpent, qui avait représenté la Colombie aux Oscars et était consacré aux peuples d’Amazonie, ils subliment par des images magnifiques et une intrigue au cordeau le film anthropologique, afin de renouer avec une part de l’héritage culturel du sous-continent américain.

    En salle – Cinema Galeries.
    VOSTFR/NL 

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