Par son film, dont le titre fait référence à un des chefs d’oeuvre de la peinture chinoise, il dit énormément sur cette nouvelle Chine qui se déracine.
Fabienne Bradfer, Le Soir,
Un fleuve (la rivière Fuchun), une ville (Fuyang, au sud-ouest de Shanghai), une famille en trois générations et quatre saisons. Premier film et premier volet d’une trilogie ambitieuse, Séjour dans les monts Fuchun raconte superbement le quotidien d’une famille modeste dans sa banalité et se déploie lentement et profondément pour saisir l’âme de ce qui disparaît si brutalement dans une Chine contemporaine en pleine mutation sociale mais encore habitée par la Chine éternelle. Une Chine qui démolit et construit frénétiquement alors que la nature suit inexorablement son cycle immuable. Tout commence par une fête d’anniversaire et un drame : alors qu’elle fête ses 70 ans dans le restaurant de son fils aîné, la grand-mère est victime d’une crise cardiaque. Elle ne meurt pas mais est très affaiblie. Autour d’elle, s’agitent ses quatre fils et ce monde qui court en avant et change si vite.
Pour son premier film, révélé à la Semaine de la Critique à Cannes en 2019, Gu Xiaogang réussit une petite merveille faite de décors splendides, de galères, d’angoisses, d’existences précaires. Par son film, dont le titre fait référence à un des chefs d’œuvre de la peinture chinoise, il dit énormément sur cette nouvelle Chine qui se déracine. S’il immortalise quelque chose de son enfance (Fyang est la ville où il a grandi), ce qui semble lui filer sous les doigts comme une poignée de sable fin, il évoque avec une grande lucidité et à hauteur d’hommes les conséquences d’une croissance sans fin imposée par un boom économique sans état d’âme. C’est fait avec ampleur et la délicatesse d’un peintre soucieux du détail. Sidérant de maturité, Gu Xiaogang transcende les petites choses, pense grand un quotidien banal malmené par un avenir qui se construit sur le profit et prend son temps pour nous le raconter. Bonheur.